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françois hollande - Page 9

  • Un lamentable atlantisme...

    Nous reproduisons ci-dessous un entretien donné par Alain de Benoist à Nicolas Gauthier et publié sur Boulevard Voltaire. Alain de Benoist y évoque la crise syrienne et l'alignement de notre pays sur les positions américaines...

     

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    Sarkozy-Hollande : un lamentable atlantisme, fondé sur une solidarité de classe

    Que ce soit à propos de la Syrie ou d’autres pays « posant problème », il est fréquemment fait état de la « communauté internationale ». Combien de divisions cette « communauté » peut-elle aligner, hormis les États-Unis, Israël et l’Angleterre ?

    Les mots ne sont pas les choses, et la « communauté internationale » n’existe tout simplement pas. Comme le pluriel de majesté qu’emploient parfois les écrivains, c’est une pompeuse fiction. En général, ce sont les puissances occidentales qui emploient cette expression pour dissimuler leur ethnocentrisme et donner l’impression qu’elles représentent l’univers. Aujourd’hui, dans le cadre de l’affaire syrienne, elle ne désigne plus que l’alliance de la France et des États-Unis, façon pâté de cheval et d’alouette. C’est la communauté réduite aux laquais. Mais cette pompeuse fiction est également une notion nocive. Pour qu’existe vraiment une communauté internationale, il faudrait qu’existe aussi un gouvernement mondial. Comme la politique ne se conçoit que s’il y a au moins deux entités en présence, cela signifierait que le monde serait totalement dépolitisé. Ce serait un monde unipolaire – un univers et non pas un « plurivers », c’est-à-dire un monde multipolaire, riche de sa diversité.

    La Russie en première ligne et la Chine, un peu, tentent manifestement de faire entendre à nouveau leur voix dans le concert des nations. Pensez-vous qu’à long terme elles puissent persister ?

    Je le souhaite en tout cas. L’une et l’autre ont au moins le mérite de penser le monde à long terme, alors qu’un François Hollande ne doit même pas savoir ce que peut bien être le « Nomos de la Terre ». C’est pourquoi ces deux pays sont appelés à jouer un rôle de pôles de régulation dans la mondialisation. Aujourd’hui, la Chine et surtout la Russie ont compris le sens réel du projet d’agression de la Syrie, dont l’objectif est de généraliser le chaos au Proche-Orient, en attendant de s’attaquer au plus gros morceau : l’Iran. Elles ont compris aussi que la discussion sur la question de savoir qui a fait usage d’armes chimiques en Syrie n’est que poudre aux yeux, le seul fait important étant de savoir si l’on doit ou non respecter le droit international.

    Le droit international interdit la guerre d’agression, définie comme une guerre entreprise contre un pays souverain qui n’a ni attaqué ni menacé les puissances qui l’attaquent. L’idée qu’il y a des pays qu’il faudrait « punir » parce que l’on réprouve tel ou tel de leurs actes de politique intérieure est totalement étrangère au droit international. C’est à cette conception du droit que s’oppose frontalement le « droit d’ingérence », qui transforme la guerre en intervention « humanitaire » ou en « opération de police » internationale, opérant ainsi un retour au stade pré-westphalien de la « guerre juste » médiévale. Comme l’a dit Régis Debray dans sa superbe lettre ouverte à Hubert Védrine (« La France doit quitter l’OTAN », Le Monde diplomatique, mars 2013), le remplacement du militaire par l’humanitaire, c’est le droit des plus forts à s’ingérer dans les affaires des plus faibles. Une spécialité dont sont familiers les Américains, dont le désir constant est de s’instaurer en shérif planétaire en utilisant pour ce faire tous les moyens de terreur qu’ils font reproche aux autres de vouloir employer. Dans un tel contexte, c’est le courage et la fermeté de Vladimir Poutine qui méritent d’être salués.

    Et l’Europe, dans tout ça ? Les médias ne la confondent-ils pas, à dessein ou non, avec l’Occident ?

    « L’Occident » est un mot qui a constamment changé de sens au cours de l’histoire. Aujourd’hui, il désigne l’ensemble des pays développés, et plus spécialement le « partenariat » transatlantique. D’un point de vue géopolitique et géostratégique, c’est un pur non-sens. On l’utilise pour faire croire qu’il existe une convergence d’intérêts entre la puissance continentale européenne et la puissance maritime des États-Unis d’Amérique. C’est le contraire qui est vrai. Depuis l’époque des « Pères fondateurs », rien n’est plus étranger aux valeurs fondatrices de la culture européenne que les valeurs américaines. L’histoire du monde, disait Carl Schmitt, est avant tout l’histoire d’une lutte éternelle entre les puissances de la Mer et les puissances de la Terre. L’Europe est une puissance de la Terre. Elle n’appartient pas à l’« Occident », mais au grand ensemble continental eurasiatique. À une époque où la « guerre froide » a été remplacée par la « paix chaude », défendre l’Europe implique de s’opposer par tous les moyens à l’Occident, c’est-à-dire à l’américanisation et à la marchandisation du monde. Chaque jour qui passe le montre de façon plus évidente : l’avenir de l’Europe est à l’Est.

    Et la France, pour finir ? Grande est l’impression que sa voix est devenue inaudible. Ce ne fut pourtant pas toujours le cas, au Moyen-Orient principalement. Comment expliquer cette déshérence de notre politique internationale ?

    C’est dans le domaine de la politique étrangère que les hommes d’État se distinguent le mieux des politiciens. Une décision dans ce domaine exige une capacité d’analyse physiognomique des situations qui n’a rien à voir avec les petites manœuvres électorales et les bons mots. En arrimant son pédalo aux destroyers de l’US Navy, François Hollande ridiculise et humilie son pays en même temps qu’il démontre qu’il n’est pas un homme d’État. L’acte le plus infâme de la présidence Sarkoy, avec l’agression contre la Libye, qui a déstabilisé toute la région du Sahel, a été la honteuse réintégration de la France dans l’OTAN. L’acte le plus infâme de la présidence Hollande a été, jusqu’à présent, sa grotesque posture antisyrienne. La France, depuis le général de Gaulle, avait su donner l’exemple d’un pays soucieux de son indépendance. Elle se retrouve aujourd’hui le seul allié d’une Amérique affaiblie, qui n’a plus de stratégie et ne se détermine plus que sous l’influence des lobbies. Sarkozy-Hollande : un commun atlantisme, fondé sur une solidarité de classe. C’est lamentable.

    En apportant son appui aux salafistes wahhabites pour complaire à Obama, Hollande joue en outre avec le feu. Damas, comme en 1914 Sarajevo, peut parfaitement être le point de départ d’une guerre mondiale. La prétention des Américains à une frappe « limitée » fait de ce point de vue bon marché des capacités de riposte du pays attaqué, comme des possibilités d’escalade et d’extension du conflit. On sait quand commencent les guerres, plus rarement où elles finissent. Comme le dit un proverbe : « Ne pointe jamais une arme sur quelqu’un, sauf si c’est pour le tuer. » Nous sommes aujourd’hui à la veille d’un embrasement généralisé. Les médias, eux, préfèrent parler de la rentrée scolaire, de la prochaine Coupe du monde et des faits divers marseillais. Jupiter rend fous ceux qu’il veut perdre.

    Alain de Benoist , propos recueillis par Nicolas Gauthier (Boulevard Voltaire, 13 septembre 2013)

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  • Les snipers de la semaine... (67)

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    Au sommaire cette semaine :

    - sur Causeur, Jérôme Leroy dézingue François Hollande, symbole d'une classe politique évanescente...

    François Hollande, l'homme invisible

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    - sur Marianne, Jack Dion flingue BHL et ses séides dont les appels à la guerre contre la Syrie encombrent les médias...

    Syrie : pour en finir avec la BHLisation des esprits

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  • Punir Bachar ?...

    Nous reproduisons ci-dessous un point de vue de François Bernard Huyghe, à l'ironie mordante, cueilli sur son blog et consacré aux menaces occidentales contre la Syrie...

     

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    Punir Bachar ?

    Nous allons donc punir Bachar. Sans consentement de l'Onu (mais ce ne serait pas la première fois que les démocraties déclenchent une guerre sans l'accord des Nations Unies). Sans avoir vraiment examiné les preuves. Sans nous être demandés pourquoi un régime qui est responsable de cent mille morts et qui va peut-être gagner utilise un moyen  militairement inutile (terroriser les populations ? elles ne le sont pas au bout de deux ans ?) : il donne ainsi une légitimité aux puissances étrangères qui veulent appuyer la rébellion et un admirable prétexte aux partisans du principe néo-conservateur - frapper tous les tyrans pour déclencher un tsunami démocratique, naturellement pro-occidental.

    L'affaire semble entendue, et quand bien même les preuves manqueraient, cela démontrerait a fortiori l'ignominie de Bachar qui les dissimule (après avoir eu la stupidité de faire venir des inspecteurs des Nations Unies, qui se font tirer dessus par des snipers). C'est une application du principe des ADM : puisque personne ne peut les trouver, c'est que Saddam les dissimule, ce qui le rend encore plus coupable. CQFD.

    D'ailleurs Foreign Policy a produit des interception démontrant que les responsables du régime cherchent à dissimuler leur crime (tiens, cela ne vous rappelle rien ?). On voit donc que Prism contribue à sauver la démocratie et que ceux qui critiquent la NSA sont sans doute des partisans du gazage des populations civiles.

    Le président de la République nous a fort clairement expliqué la dialectique de la punition. Ou bien être complices ou bien agir, Ou bien supporter l'intolérable, ou bien sauver des populations civiles. Dit en ces termes, sauf à être un collabo pro-gazage, on voit mal ce que l'on pourrait objecter.

    Nous allons frapper. Sans doute avec des missiles de croisière. Pour des raisons techniques, la participation française sera fort modeste, mais nous trouverons peut-être une petite hachette made in France à joindre au Thomawaks d'Obama. Ce sera symbolique et cela permettra à nos ressortissants de jouir d'une aura de sympathie auprès des chiites du monde entier (15% des musulmans) qui comprendront que nous faisons cela pour leur bien.

    Comme Bachar est stupide (cf. plus haut), il a certainement groupé ses dépôts d'arme ou ses centres militaires dans le désert, loin de toute population civile, il n'y aura donc pas de victimes innocentes (pas plus que lors d'une frappe de drone démocratique, par exemple).

    Comme Bachar est menteur, la télévision de Damas ne manquera pas de produire des images d'enfants tués par les missiles démocratiques.

    Comme nous sommes intelligents nous comprendront qu'il s'agit de propagande (contrairement aux vidéos sincères et authentiques produites par l'opposition). Tiens, au fait, pourquoi ne pas bombarder la TV de Damas comme nous avons bombardé celle de Belgrade en 99 ?

    Comme le président Hollande (une guerre tous les huit mois) a bonne mémoire, il sait que :

      • En 1991 nous avons cru à l'armée irakienne qui était la quatrième du monde, aux couveuses débranchées et aux canons qui allaient tirer des obus au gaz sur Israël. Nous avons puni Saddam (pas assez pour l'empêcher de gazer des Kurdes après coup, mais puni quand même)
           
      • En 1999, nous avons cru au génocide des Kosovars, aux charniers que l'on allait découvrir et aux boucliers humains. Nous avons puni Milosevic et, au bout de quelques temps, confié les clefs du Kosovo à des gens parfaitement honorables (voir Kosovo: Une guerre juste pour créer un État mafieux, de Pierre Péan)
           
      • En 2003 nous avons un peu moins cru aux Armes de Destruction Massive de Saddam. Mais nos amis américains ont fait le travail quand même et l'Irak baigne dans un océan démocratique de paix et de bonheur.

    Comme le président sait cela, nous pouvons y aller de confiance. La punition ne renversera pas le régime de Bachar, certes,  mais cela l’amènera certainement à résipiscence. Il faudrait songer à une sorte de peine probatoire à la Taubira pour les dictateurs. Bachar n'osera plus frapper des civils (par peur des représailles), ni des militaires (par peur qu'ils se défendent) : c'est tout bénéfice.

    Allez, on y va ! Mais surprise : le président Obama se met à freiner des quatre fers ! Le voilà qui déclare : "Un engagement direct militaire des États-Unis.. ne serait pas bénéfique pour la situation sur le terrain... (cela) ne résoudra pas tous les problèmes de la Syrie. Évidemment, cela ne mettra pas fin aux morts de civils innocents en Syrie."
    Et si Obama ne doute pas que Assad a "recours à des armes chimiques à grande échelle contre son propre peuple, contre des femmes, des bébés, des enfants", il en tire pour conséquence "qu'il crée une situation dans laquelle les intérêts nationaux américains sont affectés et qu'il faut que cela cesse". C'est dit de façon assez indirecte. Ce n'est pas exactement un ultimatum ou l'annonce de l'Apocalypse pour dans la soirée. Le président Obama a-t-il réfléchi ou n'a-t-il pas le mâle courage du notre ?

    Comme il est utile que nos lecteurs puissent mesurer les progrès de l'esprit humain en presque un siècle nous terminerons en leur rappelant un texte classique que nous avions déjà signalé

    Ce sont les dix règles établies par lord Ponsonby en 1918 :

    "Il faut faire croire :

    1. que notre camp ne veut pas la guerre ;

    2. que l'adversaire en est responsable ;  

    3. qu'il est moralement condamnable ;  

    4. que la guerre a de nobles buts ;

    5. que l'ennemi commet des atrocités délibérées (pas nous) ;

    6. qu'il subit bien plus de pertes que nous ; 

    7. que Dieu est avec nous

    8. que le monde de l'art et de la culture soutient notre combat ;

    9. que l'ennemi utilise des armes illicites (pas nous) ;

    10. que ceux qui doutent de ces neuf premiers points sont soit des traîtres, soit des victimes des mensonges adverses (car l'ennemi, contrairement à nous qui informons, fait de la propagande).

     

    François- Bernard Huyghe (Huyghe.fr, 29 août 2013)

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  • A la lanterne !...

    Nous reproduisons ci-dessous un excellent point de vue de l'économiste hétérodoxe Jacques Sapir, cueilli sur son site RussEurope et consacré aux illusions et à l'impuissance de François Hollande...

     

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    De Clichy à Trappes, pour finir par la Lanterne

     

    Notre Président s’est donc rendu à Clichy-sous-bois d’où étaient parties les émeutes de 2005. Il eut été plus opportun de se rendre à Trappes, mais le courage politique n’est pas réellement le fort de François Hollande. Notre Président tient un discours optimiste, que ce soit sur la croissance ou sur l’emploi. Mais, son Ministre des Finances, Pierre Moscovici laisse entendre que le déficit budgétaire va déraper et atteindre autour de 4% cette année, tandis que les chiffres de croissance sont constamment révisés à la baisse : de +0,8% à -0,1% pour cette année, et de +1,2% à +0,6% pour 2014. Les chiffres ne sont pas le fort de François Hollande. Notre Président annonce la création de près de 100 000 emplois d’avenir d’ici à la fin de l’année 2013. Mais, sur le terrain, le dispositif ne se met en place qu’avec les plus extrêmes difficultés. La réalité n’est pas le fort de François Hollande. Et, à vrai dire, on ne sait pas où est le fort de notre Président (si ce n’est à Brégançon, mais c’est une autre histoire).

    I. Vous avez dit amélioration?

    Mesure-t-il seulement ce qui est en train de se passer dans ce pays, alors que ses conseillers se gargarisent des fameux « bons résultats » ? On sait ce qu’il en est. Le processus de chute dans la crise se ralentit. Rien de plus normal, les économies ne peuvent ainsi disparaître. Mais, ce processus de ralentissement, voire de stagnation de la dégradation ne signifie nullement le retour à une véritable croissance. En Espagne, la stabilisation du chômage est due, pour l’essentiel, aux emplois saisonniers. La Grèce connaît une timide amélioration de sa fréquentation touristique, mais elle le doit beaucoup aux problèmes politiques que connaissent la Turquie et la Tunisie. En fait, ces « bons résultats » ne sont que des faux-semblants. La zone Euro est en crise pour longtemps, et rien ne laisse espérer une sortie de cette dernière à court terme. Le poids des dettes souveraines continue de s’alourdir et Mario Draghi, et avec lui la BCE, va connaître son heure de vérité quand il lui faudra activer les mécanismes de rachat des dettes. En fait, cette heure de vérité pourrait bien sonner plus tôt que prévue. La Cour Constitutionnel allemande doit statuer sur la légalité des OMT, et tout laisse à penser qu’elle va les déclarer inconstitutionnels.

    L’Allemagne pourrait bien, d’ailleurs, être le cauchemar de François Hollande. Il mettait l’an dernier tous ses espoirs dans un changement de majorité dans ce pays. Or, tout laisse à penser que Mme Merkel sera reconduite dans ses fonctions, et avec elle cette politique allemande d’exploitation éhontée de ses voisins qui accélère la crise inévitable de l’Euro. Mais un cauchemar plus proche menace le Président. L’Italie risque d’être secouée par les conséquences de la condamnation de Silvio Berlusconi. Que l’on ne s’y trompe pas. L’auteur de ces lignes n’a guère de sympathie ni d’estime pour l’homme, un affairiste issu de l’entourage du socialiste Bettino Craxi qui coula sous les scandales avant de s’enfuir chez Kadhafi, aux pratiques à l’évidence délictueuses et à la moralité plus que douteuse. Mais l’homme est une chose et la réalité politique en est une autre. La fragile alliance Gauche-Droite constituée pour faire barrage au succès du M5S risque de voler en éclats. De nouvelles élections se profileraient alors.

    Telle est la réalité. Alors François Hollande s’adapte, négocie, finasse. Il réduit le budget des forces armées en deçà du nécessaire au maintien d’une défense nationale indépendante, dont il a pourtant démontré l’absolue nécessité avec l’intervention au Mali. Il augmente subrepticement les « recettes de poches » de l’État avec une hausse des frais de mutation (et cela alors qu’il prétend relancer le marché de l’immobilier). Il coupe dans les dépenses, y compris les plus utiles, y compris avec la suppression des aides accordées à l’apprentissage, alors que cette voie est souvent une véritable solution pour des jeunes déscolarisés.

    II. Une lente et mortelle dégradation

    Mais, adaptation ou finasserie n’empêchent pas notre pays, notre « bien commun », de se dégrader. L’expression d’accident « technologique », qu’avaient créée des collègues russes, s’applique désormais à la France, comme on a pu le voir avec l’accident tragique de Brétigny. Et c’est un véritable miracle que cet accident ait eu lieu en été. Dans le cours de l’année ce serait par dizaines que l’on compterait les morts. Notre pays se dégrade aussi moralement. Toujours à Brétigny, les incidents, les vols des victimes, qui se sont produits – et que le gouvernement et les autorités avaient commencé à nier – en sont la preuve. Certes, et c’est important, ce tragique accident a aussi été l’occasion de manifestations de courage et de solidarité. Il n’y a pas eu que des voleurs et des caillasseurs à Brétigny, heureusement et il faut s’en souvenir. Mais il y en a eu aussi. Et cela est le symptôme d’une profonde dégradation morale du pays. Un autre signe, plus subtil, de cette dégradation réside dans le concert des « bonnes âmes » qui s’est empressé d’affirmer de manière péremptoire qu’il ne s’était rien passé à Brétigny. Le déni de réalité devient alors une ligne politique. Pourtant dire les choses, les dire de manière honnête, en reconnaissant ce qu’il y eut de bon mais aussi de détestable, n’est en rien un stigmatisation des habitants de cette ville des bords de l’Orge ni de ceux des quartiers. C’est simplement reconnaître que l’anomie fait de terribles progrès dans notre société.

    Dire qu’une personne est malade n’est pas la stigmatiser. Mais il faut identifier les causes de sa maladie, et pour cela la décrire, si l’on veut la soigner. Plus encore que les ruptures techniques (qu’il faut préférer au terme d’accident ou de catastrophe « technologique ») imputables au sous-investissement chronique dont souffrent nombre de nos infrastructures depuis maintenant une vingtaine d’années, la dégradation morale que révèle cette montée de l’anomie est un problème tragique. Elle ne peut se comprendre que si l’on conçoit que la socialisation se fait, en priorité, sur le lieu de travail et dans les cadres qui en sont issus. Le chômage de masse laisse une partie de la population hors de tout cadre de socialisation, enfermée entre une télévision qui ne lui donne comme modèle que des trajectoires individuelles en réalité inaccessibles et une réalité quotidienne qui la ramène aux réalités de sa misère. Dès lors, l’individualisme narcissique qui est en réalité l’idéologie du néo-libéralisme tourne à vide et se transforme en anomie. Le seul remède, même si la formulation apparaît autoritaire, est une « mise au travail » qui permettra de recréer du lien social.

    On en revient ici à notre Président, à ses rêves et à ses illusions. Il est clair qu’il ne comprend pas l’état de dégradation, tant matériel que moral de notre société, qui est aussi la sienne. Il croit qu’en s’abstenant de prendre des vacances, il va reprendre la main. Ce n’est même plus du niveau de l’illusion. Nous en sommes à celui d’une communication qui tourne à vide et qui contribue en fait à le décrédibiliser encore plus. Il ne saisit pas que sa seule chance serait de créer massivement des emplois, non pas 100 000 emplois aidés, mais de 500 000 à 600 000 emplois, et bien réels ceux-ci, par an pendant trois ans. Mais, cette chance est en train de passer elle aussi. Pour qu’elle se concrétise, il lui aurait fallu du courage politique et l’empathie, là où, sous le sourire, perce rapidement la suffisance technocratique. Il se révèle ce qu’il est, dur aux faibles, et faible devant les puissants. Pour la saisir, il faudrait sortir de l’Euro qui nous condamne à un lent et tragique étouffement. Cela se fera, mais sans doute pas avec lui et probablement contre lui. Qu’il prenne garde désormais, car il risque bien de finir là où il entend prendre ses congés : à la lanterne !

    Jacques Sapir (RussEurope, 2 août 2013)

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  • Quand les socialistes défendaient le peuple...

    Nous reproduisons ci-dessous un entretien donné par Alain de Benoist à Nicolas Gauthier et publié sur Boulevard Voltaire. Alain de Benoist y évoque la trahison par la gauche des idéaux du socialisme...

     

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    Quand les socialistes défendaient le peuple

    Vous venez de publier Édouard Berth ou le socialisme héroïque (Pardès). Pourquoi s’intéresser à un homme aussi peu connu ?

    Il est en fait bien connu de tous les historiens des idées, qui le considèrent en général comme le plus fidèle disciple de Georges Sorel, auteur des Réflexions sur la violence et des Illusions du progrès. Édouard Berth (1875-1939) a été l’un des principaux théoriciens du syndicalisme révolutionnaire, c’est-à-dire de cette branche du mouvement ouvrier qui, estimant que la classe ouvrière ne pouvait compter que sur elle-même pour instaurer la « société des producteurs », n’avait qu’hostilité pour les partis politiques et donnait la priorité à « l’action directe » (soit l’action sur les lieux de travail) développée par les syndicats. Ce sont les représentants les plus actifs de cette tendance révolutionnaire, Victor Griffuelhes et Émile Pouget, qui parvinrent, en octobre 1906, à faire adopter par la CGT la célèbre Charte d’Amiens que l’on considère aujourd’hui comme l’acte fondateur du syndicalisme français. Berth eut, par ailleurs, un itinéraire extrêmement original puisque, sans jamais abandonner ses convictions, il participa, à la veille de la Première Guerre mondiale, à l’aventure du Cercle Proudhon, où se rencontrèrent maurrassiens et syndicalistes révolutionnaires, puis s’enthousiasma vers 1920 pour la révolution russe, au point de collaborer régulièrement à la revue Clarté, fondée par Henri Barbusse. Revenu de son léninisme, il collabora jusqu’à sa mort à La Révolution prolétarienne de Pierre Monatte.

    Ce qui frappe, c’est aussi le contraste entre socialisme d’antan, tout entier voué à la défense de la classe ouvrière, et Parti socialiste actuel. Ce PS est-il encore socialiste ?

    En janvier 1905, le « règlement » de la Section française de l’Internationale ouvrière (SFIO) – Parti socialiste de l’époque – se présentait comme un « parti de classe qui a pour but de socialiser les moyens de production et d’échange, c’est-à-dire de transformer la société capitaliste en société collectiviste, et pour moyen l’organisation économique et politique du prolétariat ». Allez donc demander aujourd’hui aux travailleurs de PSA, de Florange ou d’ArcelorMittal ce qu’ils pensent du « socialisme » de Hollande !

    Qu’un dirigeant du PS, en l’occurrence Dominique Strauss-Kahn, ait pu être appelé à la direction du Fonds monétaire international (FMI) pour y mettre en œuvre la même politique que pratique aujourd’hui Christine Lagarde était déjà tout un symbole. Et maintenant ? Ni le mariage homosexuel, ni la légalisation du cannabis, ni la lutte pour la parité (sauf dans le mariage !), ni l’immigration incontrôlée, ni l’abolition des frontières, ni même la défense des « droits de l’homme » (dont Marx avait fait une critique impitoyable) ne sont évidemment des mesures « socialistes ». Ce sont des mesures libérales, censées répondre aux caprices et aux désirs individuels. Devenu un parti social-libéral – de plus en plus libéral et de moins en moins social –, le PS ne conçoit plus la société que comme une addition d’individus. C’est pour cela que le gouvernement actuel, privilégiant le sociétal au détriment du social, a choisi de faire diversion en cachant les cinq millions de chômeurs derrière le mariage pour tous.

    Le bilan social-défaitiste de François Hollande est évident dans tous les domaines. De l’abandon de toute réforme fiscale d’envergure à l’absence de politique industrielle, de la révision du Code du travail dans le sens exigé par le MEDEF au chantage à l’emploi pour faire baisser les salaires – tandis que ceux des grands patrons ne seront finalement pas « encadrés » –, sans oublier la loi sur la « sécurisation de l’emploi » (sic), qui a signé l’arrêt de mort du contrat à durée indéterminée (CDI), chaque jour qui passe administre la preuve de la totale soumission de François Hollande aux exigences de la finance.

    Rallié depuis au moins trente ans au système de l’argent, le PS est devenu un parti de fonctionnaires, de technocrates et de bobos ayant oublié le socialisme depuis belle lurette et ne s’intéressant qu’au « pourtoussisme », aux interventions « humanitaires » et à la défense des « victimes » sur le mode émotionnel et lacrymal. Ce n’est donc pas sur ses dirigeants qu’il faut compter pour expliquer que la crise actuelle est d’abord une crise du mode de production capitaliste, c’est-à-dire une crise généralisée de la logique de valorisation du capital, et moins encore pour tenter d’y remédier.

    Comment expliquer cette évolution ? Passer d’un Édouard Berth à un DSK…

    Ce qu’on appelle la « gauche » est né en France, à l’époque de l’affaire Dreyfus, de la fusion de deux courants totalement différents : une aspiration à la justice sociale portée par le mouvement ouvrier et une philosophie du progrès héritée des Lumières, que Sorel a justement définie comme fondamentalement bourgeoise. Le problème est que l’idéologie du progrès n’a que méfiance pour ce que Pasolini appelait la « force révolutionnaire du passé ». Or, le socialisme originel, s’il s’opposait bien entendu aux hiérarchies d’Ancien Régime, n’entendait nullement abolir les solidarités organiques traditionnelles ni s’attaquer aux fondements communautaires du lien social. Il contestait en revanche hautement l’idée libérale selon laquelle le marché, la logique de l’intérêt et le droit procédural suffiraient à faire tenir ensemble une société.

    Dès les années 1980, la gauche, sous couvert de se « moderniser », a commencé à s’adapter aux modèles libéraux. Elle a, de ce fait, abandonné les idéaux du socialisme. Il lui reste la métaphysique du progrès, qu’elle partage avec la droite libérale. Dans ces conditions, le libéralisme sociétal de la gauche rejoint tout naturellement le libéralisme économique de la droite. Être de gauche, désormais, c’est adhérer à la logique de « l’antiracisme » et de la « lutte-contre-toutes-les-discriminations » pour masquer le fait que l’on a cessé d’être anticapitaliste.

    Édouard Berth se faisait une idée « sublime » de la classe ouvrière, appelée selon lui à détruire le capitalisme bourgeois en reprenant à son compte les valeurs héroïques de l’Antiquité. Le moins qu’on puisse dire, c’est que la gauche actuelle n’a pas le même rapport au peuple…

    Le peuple et la gauche n’ont jamais été des notions équivalentes, comme on l’a vu lors des journées de juin 1848 et de la Commune de 1871, lorsque la gauche bourgeoise faisait tirer sur le peuple. Lisez le livre de Bertrand Rothé récemment paru aux Éditions du Seuil, De l’abandon au mépris, sous-titré Comment le PS a tourné le dos à la classe ouvrière. Le mot de mépris n’est pas exagéré. L’auteur explique très bien comment les élites du PS ont abandonné les ouvriers au nom de la modernité, et parfois aussi de la « préférence étrangère ». Éric Zemmour résume parfaitement la situation quand il écrit que « la gauche se croit aujourd’hui antilibérale alors que son obsession progressiste en fait la meilleure servante du marché », tandis que la droite s’imagine « défendre les valeurs traditionnelles alors que le marché, qu’elle admire, détruit ce qu’elle est censée défendre ». Le grand clivage actuel n’est plus celui qui oppose la droite et la gauche, mais celui qui oppose des classes populaires encore « territorialisées » à une nouvelle classe globalisée, engendrée elle-même par un néocapitalisme financiarisé et de plus en plus déterritorialisé. Cette nouvelle classe s’est formée sous l’effet d’une intensification des mobilités dans un climat marqué par la déréglementation des marchés et des innovations technologiques rétrécissant l’espace et le temps. Face à elle, la frustration des classes populaires, et celle des classes moyennes menacées de déclassement, pourrait bien devenir le moteur d’une nouvelle lutte des classes.

    Alain de Benoist, propos recueillis par Nicolas Gauthier (Boulevard Voltaire, 9 juin 2013)

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  • Halte à la culpabilisation à sens unique !...

    Assignation en justice de la Caisse des dépôts et consignations par le Conseil représentatif des associations noires pour complicité de crime contre l'humanité, déclaration de Christiane Taubira en faveur de compensations foncières pour les descendants d'esclaves, reconnaissance par François Hollande d'une dette de la France envers l'Afrique... La journée de commémoration de l'esclavage a apporté son lot de déclarations grotesques et affligeantes, comme l'avait prévu Bernard Lugan, dans un texte publié sur son blog et que nous reproduisons ci-dessous... 


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    Le 10 mai, avec la « Journée des mémoires de la traite négrière, de l’esclavage et de leurs abolitions », c’est encore un anniversaire de culpabilisation à sens unique qui est célébré

    Sous la présidence de Jacques Chirac les députés votèrent à l’unanimité, (donc tous les élus de « droite »), et en première lecture, la loi dite « Taubira ».  Définitivement adoptée le 10 mai 2001, cette loi qualifie de « crime contre l’humanité » la seule traite esclavagiste européenne. Christiane Taubira a insolitement précisé que sa loi passe sous silence la traite arabo-musulmane[1] afin que les « jeunes Arabes (…) ne portent pas sur leur dos tout le poids de l’héritage des méfaits des Arabes » (L’Express du 4 mai 2006).
    Et pourtant, au XIXe siècle, l’abolition décidée par les Européens ne concerna pas les Arabo-musulmans. Depuis la Libye, au nord, ou depuis Zanzibar, à l’est, des caravanes organisées militairement continuèrent en effet à dévaster des régions entières de l’Afrique noire. Au XIXe siècle, au centre comme à l’Est du continent, les réseaux esclavagistes musulmans étaient en pleine extension ; la documentation abonde les concernant.
    Dans la région sahélienne, de la boucle du Niger au Tchad, les esclavagistes puisaient dans le « vivier humain » du bilad al Sudan, Bambara, Sénoufo et Sara étant leurs principales victimes.
    Dans la région du Haut Nil, l’actuel Sud Soudan, Dinka, Nuer et Chillouk étaient pourchassés, les femmes pour leur beauté et les jeunes garçons pour être « transformés » en eunuques gardiens des harem.  
    Dans l’Est de l’Afrique, les esclavagistes zanzibarites ravageaient les actuels Etats de Tanzanie, d’Ouganda, de RDC, de Zambie ainsi que tout le Nord du Mozambique. Tirant l’essentiel de ses revenus de la vente des esclaves, le sultan de Zanzibar avait constitué un corps de fonctionnaires chargé de tenir un compte  précis du nombre de captifs débarqués sur son île. Grâce aux registres des perceptions douanières, nous savons ainsi qu’entre 1830 et 1873, environ 700 000 esclaves furent vendus sur le seul marché de Zanzibar. Ces chiffres ne valent cependant que pour le commerce officiel du sultanat et ils ne tiennent pas compte de la contrebande.
    Ce fut l’administration coloniale qui mit un terme à ces odieuses pratiques. Certaines ethnies ne survécurent alors que parce que la colonisation sépara victimes et razzieurs, comme au Mali, comme au Niger, comme au Tchad, comme en Centrafrique, comme au Nigeria, comme en RDC, comme en Tanzanie, comme en Ouganda, comme au Soudan, comme au Malawi, comme au Mozambique etc... Ce furent les Européens qui firent fermer le marché de Zanzibar en 1873. Ce furent également eux qui, à partir de 1890, obligèrent les autorités égyptiennes à interdire aux 78 marchands d’esclaves du Caire et aux 73 d’Alexandrie de cesser cette activité[2]. 
    En 2005, Jacques Chirac décida que le 10 mai, jour de l’adoption de la loi Taubira, serait désormais célébrée la « Journée des mémoires de la traite négrière, de l’esclavage et de leurs abolitions ». Rompant avec une sage pratique voulant, sauf exception, que des dates du passé soient toujours choisies pour célébrer les évènements historiques, le président de la République faisait ainsi d’une date du présent un jour de commémoration d’évènements du passé…
    Et pourtant, le 27 avril, date anniversaire  de l’abolition de l’esclavage en France (27 avril 1848) était la date idéale qui aurait permis de célébrer cette « Journée des mémoires de la traite négrière, de l’esclavage et de leurs abolitions » dans un climat d’unanimisme national. Jacques Chirac a préféré une date clivante.
    Tout cela n’est cependant qu’un début car les  groupes de pression constituant le noyau électoral de François Hollande, modernes Minotaures à l’insatiable appétit, réclament maintenant des « réparations » sonnantes et trébuchantes. Comme les caisses de l’Etat sont vides, notre « pauvre » président ne va donc pouvoir nourrir ses électeurs que de paroles. Il faudra donc qu’elles soient roboratives. C’est pourquoi nous pouvons nous attendre à de nouvelles rafales de déclarations et de mesures symboliques de repentance.
    Voilà comment le totalitarisme se met en place et comment, lentement mais sûrement, nos « élites » gouvernantes, totalement coupées du « pays réel » se préparent des lendemains difficiles. Notamment parce que Madame Taubira dont les condamnations sont sélectives, ignore probablement, et les Romains l’avaient appris à leurs dépens, que  chez les Gaulois « la patience dont on abuse se change en fureur ».
    Bernard Lugan (Blog de Bernard Lugan, 2 mai 2013)
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